« Regards révélés » – Pat de Wilde – Exposition du 12 juin au 5 juillet 2022

PAT DE WILDE. TOUJOURS PLUS LOIN

Pat de Wilde aurait pu devenir peintre, dessinateur ou sculpteur. Ses prédispositions l’y destinaient. Il s’est du reste adonné longtemps à l’expression picturale et s’y implique encore. Mais il a choisi de parcourir le monde. À la solitude de l’artiste, il a choisi celle du voyageur. Un jour, il a troqué ses crayons et pinceaux pour un appareil photo et s’en est allé, poussant le voyage jusqu’aux derniers retranchements où des femmes et des hommes vivent isolés en marge de la globalisation et des concentrations démographiques. Les délaissés, les oubliés, les méprisés… auxquels l’artiste a souhaité conférer de l’importance, de la beauté et de la dignité en en fixant les images. Les prolonger en les sortant de la banalité. En allant à la rencontre de ces sociétés vues trop souvent comme seulement exotiques, il les tire de la relégation et les hisse au niveau de l’exemplarité, celui de l’oeuvre d’art. Historiquement, l’oeuvre de Pat de Wilde trouve écho dans la peinture de Jan Van Eyck. Comme le peintre flamand, il cherche à replacer l’homme au coeur du monde. Sa façon d’opérer, en fondu au noir, faite de patience, d’attente, de confiance, de connivence, fait ressortir mystérieusement ses personnages comme en suspend entre le passé et le devenir. C’est dans la nuit qu’opèrent les enchanteurs, de l’obscurité qu’ils tirent leur pouvoir, de l’ombre qu’ils puisent leur inspiration ! Les voyages réalisés chez les mursis, padaungs, kogis, konyaks, papous, etc. ont permis à Pat de Wilde de réunir des images devenues exceptionnelles tant ces peuples sont contraints à l’assimilation ou à la disparition à plus ou moins longue échéance. Ainsi il capte l’essentiel avec subtilité, créant une interaction presque surnaturelle entre l’acteur et le spectateur, tous deux figés dans l’intemporalité de l’apparition. Sensibilité mise à nu qui résonne avec la nôtre par-dessus les distances comme une évidence d’appartenance à la même destinée. Le choix des sujets, tant humains qu’animaux, exprime avec pudeur, par leur traitement sans artifice, la pureté des formes. Cette beauté dépouillée nous renvoie aux origines lorsque l’homme de bon aloi se soumettait à la terre et non l’inverse. La vision photographique de cette terre qui est nôtre, et à laquelle nous ne prêtons plus assez souvent attention, donne à ses paysages humains ou non, une expression graphique contemporaine. Ces femmes partagent avec le spectateur leur intimité, ces hommes leur superbe, ces enfants leurs croyances. Et que dire de ce lion qui nous regarde comme inquisiteur sur notre manière de le considérer. Lion, enfant, panorama, ce triptyque imposant, pièce majeure de l’exposition, invite le spectateur à s’interroger sur l’oeuvre de l’artiste. Les symboles sont là, les sujets sont éloquents, puissants presque déstabilisants tant ils sont forts et justes. Ouvrons nos coeurs, nos âmes et imprégnons-nous d’eux. Qui de l’enfant ou de l’animal saura retransmettre le message qui est la ligne conductrice de la démarche artistique de Pat de Wilde depuis des décennies ? À l’évidence la réponse est dans l’indissociabilité de ces deux êtres, car ainsi que le dit Franz Kafka « le regard ne s’empare pas des images, ce sont elles qui s’emparent du regard. Elles inondent la conscience. »